lundi 25 mars 2013

Quand l’obscurantisme dépasse la raison…

Je m'étais jurée de ne pas parler du "Mariage pour Tous" ici, mais ça me démange trop, tant pis pour l'originalité moi aussi je m'y mets ! 
Quand je vois tous ces gens défiler contre les droits de leurs Frères, peut-être même de leurs Fils, brandir enfants et slogans ineptes pour faire front contre une institution qu'ils considèrent comme inconvenante, quand a contrario je vois des gens invectiver ces opposants à coup d'homophobes, d'esprits fermés ou d'insultes en tout genre, je me pose des questions. 

La première est : « Est-ce réellement de l'homophobie ? » L'homophobie c'est quoi exactement ? Homo- ça va, pas besoin d'y revenir tout le monde voit à peu près ce que c'est ? Bon, mais alors -phobie, qu'est-ce que c'est ? Dans la mythologie grecque, Phobos était l'incarnation de la peur panique, et le terme phobie dérive directement de cette notion. On a donc Homo-phobie = peur panique de l'homosexualité. Ces centaines de milliers de personnes qui scandent des propos insultants sous les yeux de leurs enfants seraient-ils donc juste paniqués ? Mmhh, ils n'en ont pas l'air. Je les trouve plus haineux qu'apeurés. Je remplacerais donc le suffixe -phobie par un de ma création, -mysie, du grec "mysos" la haine. Sont-ils "homomyses" alors ces gens ? Non, je ne crois pas. Parce je n’ai pas l’impression que c’est l'homosexualité qui les rebute. Dans leurs discours (enfin dans le discours de la masse, parce qu'évidement dans le tas il y en a sûrement qui aiment "casser du pédé") je ressens de la haine contre les familles homoparentales. Je ne pense pas que cette foule qui hurlait hier haïsse les gays, je pense que c’est l’idée que ces gays élèvent des enfants (DES enfants et pas LEURS enfants) qui est insupportable à la majorité des opposants. Ils haïssent ce nouveau modèle, justement parce qu'il est nouveau. A mes yeux les manifestants "anti-mariage-pour-tous" ne sont donc pas homophobes, mais… Néomyses ! 
Mais en réalité je pense que ça va plus loin, beaucoup plus loin. Ce qu'ils défendent finalement, ce ne sont pas les droits des enfants comme ils le prétendent, ce qu'ils défendent c'est leur modèle séculaire de la famille. Je pense tout simplement que ces gens ont peur (oui on revient à la phobie finalement) de se retrouver eux-mêmes dans un schéma qui ne sera plus la norme. La haine et la peur peuvent rendre aveugles, car il est évident que même si tous les gays de France décidaient de se marier et de fonder une famille, la proportion de familles hétéros serait toujours écrasante. Non, nous ne sommes pas cernés par des hordes d’homosexuels masqués qui n'attendent qu'une loi pour sortir de l'ombre et conquérir le monde !!! 

Ma deuxième question est : « Est-ce qu'ils pensent ce qu'ils disent, ou bien est-ce juste un effet de masse ? » C’est peut-être mon esprit idéaliste qui ressort (oui oui, je ne suis pas que fataliste !) mais j’ai du mal à penser que tous ces gens qui manifestent, et même tous ces gens qui s’opposent ouvertement au mariage gay, soient tous réellement convaincus par leurs arguments. Je me souviens d’avoir participé aux manifestations lycéennes dans ma jeunesse (il y a fort fort longtemps !), non pas par conviction politique, mais plus « pour faire comme les copines » (et aussi pour sécher une journée de cours, mais cet argument n’est pas recevable dans le cas d’une manif’ ayant lieu un dimanche !) De plus l’effet pervers de la masse, c’est qu’une idée au départ modérée devient rapidement radicale. « Je pense qu’un père une mère et des enfants est le meilleure schéma familial existant » peut ainsi vite se transformer en « Un père une mère et des enfants est le seul schéma familial valable ». La foule a toujours été l’ennemie de la raison. 

Et j’ai gardé le plus important pour la fin, le vrai cœur de la question : « Un enfant peut il grandir sainement et sereinement au sein d’une famille homoparentale ? » Parce qu’au fond, c’est la seule chose qui compte dans cette histoire. Procédons par ordre, quels pourraient-être les obstacles rencontrés par un enfant ayant 2 papas (ou 2 mamans). 
  • Problème identitaire ? « Quelles sont mes origines ? Qui sont mes géniteurs ? » (cf. adoption, dons de gamètes, accouchement sous X, père inconnu…) Comment peut-on croire qu’un enfant né d’une PMA avec don d’ovocytes, ou qu’un enfant adopté né sous X se posera moins de questions sur ses origines s’il est adopté par un couple hétéro que par un couple homo ? Et ne me dites pas que l’enfant du couple hétéro croira que ses parents adoptifs sont ses géniteurs, parce que dans le genre malsain… Argument 1, irrecevable ! 
  • Besoin de se confier à un parent du même sexe ? « Que faire lors de mes 1ères règles ? » « Qu’est-ce qu’une érection ? » (cf. Parents célibataires, Adoption célibataires…) Effectivement on peut penser qu’un ado sera plus à l’aise pour parler sexualité avec un homme, qu’une jeune fille s’ouvrira plus facilement à une femme au sujet de son corps, mais 1/ ce n’est pas une obligation (je crois avoir plus appris sur mon cycle auprès de mon père qui était à l’aise avec le sujet) et 2/ les oncles, les tantes, les amis, les conseillers d’éducations, les voisins… il n’y a pas que les parents qui peuvent parler aux jeunes ! Ou alors on devrait retirer la garde de leurs enfants à tous les parents célibataires ! Argument 2, irrecevable ! 
  • Les moqueries, les brimades ? Cet argument n’en est pas un à mes yeux. En effet, si on regarde en arrière, chaque évolution du schéma familial a eu son lot d’oppressés (oppressions bien souvent beaucoup plus grave que les quolibets dont on parle ici), mais heureusement pour nous, les idéalistes et les pionniers de ces changements ne se sont pas arrêtés à cet argument, sinon à l’heure actuelle un blanc ne pourrait pas se marier avec une noire, les femmes divorcées ne seraient pas admises « dans le monde », les enfants de parents non-mariés seraient considérées comme des parias… Aujourd’hui, les mentalités ont évolué, ce qui était considéré comme une hérésie il y quelques dizaines d’années est désormais normal et même banal. Par ailleurs je me pose la question (encore une !) « Qui donc pourrait-bien s’en prendre à un enfant sur l’homosexualité de ses parents ? » Tiens tiens, j’ai comme une petite idée qui résonne depuis les Champs-Elysées… 
Qui sont donc les enfants les plus à plaindre ? Les enfants de Julie et Marie, qui les aiment et les élèvent dans le respect de l’autre ? Les enfants de Paul, papa veuf qui fait de son mieux pour joindre les deux bouts ? La fille adoptive de Camille, brillant médecin qui enchaine les gardes 50h par semaine ? Les enfants de Marie-Chantal et Jean-Eudes qui sont éduqués dans la haine de quelque chose qui les dépasse ? Les enfants de Caroline, qui vivent en foyer car leur maman ne peut/veut pas les élever ? Les enfants de Ming et Kevin qui vivent à 6 dans un 30 m² ? Mes enfants ? Vos enfants ?
Quelle est-donc cette société qui se permet de juger qu’un type de parent est meilleur qu’un autre ? 

Bien sûr il faut réfléchir au sens large, pour une fois il faut faire des généralités, parce que, chez les homos comme chez tout le monde, il y a évidemment de mauvais parents. Mais on ne retire pas le droit d’avoir des enfants aux couples hétéros sous prétextes que certains enfants issus de leur type de familles sont maltraités ?! Alors il doit en être de même pour les couples homos. Quel que soit le schéma, il me semble évident que les enfants élevés dans l'amour iront toujours bien. 
Et comme le disais Hannah Arendt : « Le droit d’épouser qui l’ont veut est un droit de l’homme élémentaire (…) Même les droits politiques (…) sont secondaires face aux droits humains inaliénables à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur (…) » et si en 1959 elle l’écrivait à propos des mariages interraciaux aux États-Unis, cette citation n’a jamais eu autant sa place dans l’actualité française qu’aujourd’hui…